Une époque MÄRKLIN à nulle autre pareille !

 

Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été fasciné par les personnages, qui ne font aucune concession en ce qui concerne les lieux, les situations ou les choses qu'ils vénèrent, des personnages qui vivent leur passion d'une manière si intensive, qu'ils ne peuvent pas se permettre la moindre acceptation d'un quelconque compromis, pouvant de ce fait provoquer une rupture d'harmonie; bref, ne cédant à aucune mode, ni changement considéré comme surfait, voire totalement futile.

 

Le génie français de la thermodynamique, en la personne d'André Chapelon, l'un des grands maîtres (avec, entre autres, Marc de Caso) de la locomotive à vapeur, faisait partie de ces gens-là et prononça une phrase qui demeurera à tout jamais célèbre, soit : « La vapeur... et rien d'autre ! » ; c'est donc cette phrase qui m'inspira pour choisir un titre fort ressemblant pour cet article.

 

 

 

A ce sujet, il s'agit d'être précis ; le Märklin, dont je désire vous entretenir, demeure celui que les ferrovipathes avertis et les collectionneurs, bref les initiés, considèrent comme le meilleur, celui produit entre la fin des années 1940 et les années 1970 ; cette période est caractérisée par des véhicules-moteurs bien proportionnés, sur lesquels les principales caractéristiques sont reproduites, toutefois sans sombrer dans un superdétaillage exagéré, mais plutôt mettant en valeur les éléments les plus typiques du modèle reproduit. A titre d'exemple bien concret, je préfère de loin l'aspect, chargé de sérieux dans son exécution (qualité électromécanique, poids), ainsi que l'ambiance générale dégagée par la locomotive électrique allemande E 18, selon les modèles correspondant aux numéros de catalogue 3023 ou 3024 des années 1950-1960, plutôt que les modèles actuels hyperdétaillés mais infiniment plus fragiles et se référant aux numéros de catalogue 3367, 3368 ou 3369 (le « mieux » peut parfois s'avérer l'ennemi du bien). L'allure en pleine marche, le bruit de roulement, ainsi que la sensation de poids considérable (lorsque l'on saisit ce modèle 3023 ou 3024 à pleines mains), constituent un ressenti et un sentiment de sécurité et de vérité que l'on ne retrouve plus sur ce qui se produit aujourd'hui dans ce domaine.

 

Ce qui distancie ce Märklin du temps jadis des autres fabricants, ce sont les critères bien particuliers appliqués pour la production des modèles (élégance esthétique générale, choix des matériaux utilisés, conception unique en son genre du châssis sur lequel repose l'entier de l'appareillage électromécanique, câblage électrique, fiabilité exceptionnelle des moteurs de traction, ingéniosité dans la réalisation et la transmission de la puissance de traction sur les cardans, les couronnes dentées, les autres engrenages réducteurs et de liaison, ainsi que finalement les essieux moteurs, etc.). La particularité de cette technologie électromécanique réside dans le fait qu'elle était hyperprécise, alliée à des tolérances ingénieusement calculées, permettant ainsi son adaptation à toutes les situations qui pouvaient se produire lors de l'exploitation d'un chemin de fer modèle circulant sur la légendaire et irremplaçable voie métallique « M », le seul type de voie restituant l'authentique mélodie du passage des trains !

 

 
Description du matériel roulant :

 

Les véhicules-moteurs, représentés par les locomotives et les automotrices, sont ceux portant les désignations/numéros « ... 800 et/ou 3000 et suivants », qui figurent dans les catalogues et autres publications Märklin.
 
Au niveau des séries 800/3000, voici les modèles que je considère comme les plus représentatifs :

Locomotives à vapeur :

 

CM 800 (3000/3028) = locomotive-tender, BR 89 de la DB (type C ou 030) ; DA 800 (3005) = locomotive à tender remorqué, BR 23 de la DB (type 1C1 ou 131) ; F 800 (3008/3026/3048) = locomotive à tender remorqué, BR 01 avec déflecteurs Witte de la DB (type 2C1 ou 231) ; FM 800 (3003) = locomotive à tender remorqué, BR 24 de la DB (type 1C ou 130) ; G ou GN 800 (3009/3027/3047) = locomotive à tender remorqué, BR 44 de la DB (type 1E ou 150) ; HR 800 = locomotive à tender remorqué, BR 01 avec déflecteurs Wagner de la DRG (type 2C1 ou 231) ; SK 800 (3007) = locomotive à tender remorqué, BR 06 de la DRG (type 2C2 ou 232) ; TK 800 (3031/3032) = locomotive-tender, BR 81 de la DB (type D ou 040) ; TM 800 (3004) = locomotive-tender, BR 80 de la DB (type C ou 030) ;  TT 800 = locomotive-tender, BR 86 de la DB (type 1D1 ou 141), considérée à juste titre comme la plus belle locomotive-tender HO de tous les temps ; 3045 = locomotive à tender remorqué N de la NSB (type 1E ou 150) ; 3046 = locomotive à tender remorqué 150 X de la SNCF (type 1E ou 150).

Locomotives et automotrices électriques et thermiques de la première génération :

 

CCS 800 (3015) = locomotive CFF Ce 6/8 III des CFF (type 1C-C1), l'impérialissime, l'irremplaçable et l'éternelle "Crocodile" du Saint-Gothard ; CE 800 (3001) = locomotive de manœuvre E 63 de la DB (type C), couleur verte ; CEB 800 (3002) = locomotive de manœuvre E 63 de la DB (type C), couleur brune (en ce qui concerne les E 63, qu'elles soient vertes ou brunes, les locomotives suisses Ee 3/3  leur ressemblent beaucoup) ; DB 800 K/3016 + DB 800 B/4018 = autorail DB à deux essieux, type 995, avec sa remorque à deux essieux ; DL 800 (3010) = locomotive Diesel double américaine (type Bo-Bo-Bo), produite aux couleurs verte et brune (peut également être modifiée en locomotive électrique, par l'adjonction de deux pantographes) ; GS 800 (3018/3030) = locomotive Da des SJ (type 1C1), couleur brune; GS 800 (3019) = locomotive Da des SJ (type 1C1), couleur verte; MS 800 = locomotive E 18 de la DB (type 1D1), 4 essieux moteurs, dont les deux centraux avec roues non munies de boudins ; RE 800 = locomotive CFF Re 4/4 (type Bo-Bo), 4 essieux  moteurs ; RES 800 = locomotive CFF Re 4/4 427 (type « faux bogies » 1B1), trois feux frontaux d'un côté seulement ; RET 800 (3014) = locomotive CFF Re 4/4 427 (type « faux bogies » 1B1) ; RSM 800 = locomotive de style suisse non défini (type C, s'inspirant de la locomotive prototype Be 3/5 12201 aux niveaux du diamètre des roues motrices et de l'entraînement à bielles, ainsi que partiellement des Ae 3/5 10201 à 10209 en ce qui concerne les faces frontales, la partie supérieure des flancs latéraux et la disposition de toiture de la caisse), avec deux feux frontaux d'un côté seulement ; SE 800 = locomotive E 44 de la DB (type « faux bogies » 1B1), deux feux frontaux d'un côté seulement ; SEF 800/3012 = locomotive BB 10001 de la SNCF (type « faux bogies » 1B1) et prototype pour les lignes de la Haute-Savoie ; SEH 800/3013 = locomotive BB 1100 des NS (type « faux bogies » 1B1) ; SET 800/3011 = locomotive E 44 de la DB (type « faux bogies » 1B1) ; SEW 800 = locomotive BB 10001 de la SNCF (type « faux bogies » 1B1 et prototype pour les lignes de la Haute-Savoie, deux feux frontaux d'un côté seulement ; ST 800/3017 = rame automotrice Diesel à trois éléments, produite aux couleurs rouge, rouge/beige, bleu/beige et vert/beige ; TW 800 = rame automotrice Diesel à deux éléments, produite aux couleurs rouge, rouge/beige, bleu/beige et vert/beige ; 3021 = locomotive Diesel V200 de la DB, couleur bleue et rouge ; 3023 = E 18 de la DB (type 1D1 avec seulement deux essieux moteurs), couleur bleue; 3024 = locomotive E 18 de la DB (type 1D1 avec seulement deux essieux moteurs), couleur verte; enfin 3025 = rame automotrice Diesel à quatre éléments, couleur rouge.
 
Par contre, les trois modèles suivants, également réalisés durant cette lointaine époque, furent les premiers à recevoir une caisse en matière synthétique, donc de moindre coût qu'une caisse en zamac (fonte injectée) ; si la reproduction des différents détails se présente sous une qualité semblable à celle de leurs sœurs métalliques, on ne peut cependant se permettre d'ignorer que les possibilités d'adhérence sont sensiblement moindres.

 

- CM 800   (3000) = BR 89005 / 89028, locomotive-tender de manoeuvre de la DB

- CE 800    (3001) = E 6302, locomotive électrique de manoeuvre de la DB, couleur verte

- CEB 800  (3002) = E 6302, locomotive électrique de manoeuvre de la DB, couleur brune

- FM 800    (3003) = BR 24058, locomotive à vapeur à tender remorqué de la DB.

 

A titre de comparaison, la locomotive-tender de manoeuvre TK 800 (3031/3032), BR 81004 de la DB (dont les dimensions correspondent pratiquement à celles des quatre locomotives citées ci-dessus) est équipée d'une caisse métallique, ce qui, par son poids important, lui permet de tracter, sur une rampe sinueuse de 30 o/oo,  le double de la charge des machines avec caisse en matière synthétique, soit une rame de dix wagons à deux essieux, chargés ou non, étant au minimum équipés d'un châssis métallique, alors que les véhicules-moteurs concernés, avec caisse en matière synthétique, ne peuvent pas remorquer une rame de plus de cinq wagons sur une rampe de déclivité semblable.

 

Par contre, à partir des modèles 3022 (E 94 de la DB), puis 3034 et suivants, toujours bien évidemment uniquement ceux munis d'une caisse métallique, si leur technologie électromécanique classique, leurs qualités de fonctionnement et leur fiabilité générale demeurent parfaites, ces modèles n'offrent toutefois déjà plus la magie de leurs machines devancières, principalement celles provenant des fameuses séries « 800 ».

 

En ce qui concerne les voitures voyageurs Märklin, seules celles dont la caisse est en tôle emboutie et imprimée et ne dépassant en outre pas la longueur hors tampons de 24 cm, m'intéressent vraiment.

 

Les wagons de marchandises Märklin, des séries 310 à 334 (entièrement métalliques), 4500 à 4528, 4900 (boîtes de construction) et 4600 à 4618 (châssis métallique et caisse en matière synthétique robuste), me paraîtront toujours comme les meilleurs de la marque ; cependant, ce sont bien les wagons en zamac, construits jusqu'en 1955, qui émotionnent légitimement le plus les amateurs avertis (variété considérable dans le choix des types reproduits, alliée à une esthétique bouleversante de beauté et à un poids légendaire).

 

Par contre, pour les ferrovipathes suisses, le fameux wagon marchandises K3 CFF 46081 (No de catalogue 4605 aux couleurs grise ou rouge-brun, avec châssis métallique et caisse en matière synthétique robuste), demeurera, à mon avis, un authentique chef-d'œuvre irremplaçable et éternel produit par Märklin.

 

A partir des années 1970 déjà, une nouvelle « marotte » s'insinua dans le monde des fabricants de modèles réduits ferroviaires, j'ai nommé les « séries limitées ».

 

A mon avis strictement personnel, je considère cette pratique comme un comportement purement mercantile, voire malsain, car il s'agit ni plus ni moins de forcer l'amateur à acquérir un type de produit pendant une période imposée d'avance, qu'il offre ou non de réelles qualités d'esthétique, de fonctionnement ou de fiabilité ou encore tout simplement émotionnelles.

 

En matière de modélisme ferroviaire, lorsque l'on parle de collection digne de ce nom, il s'agit prioritairement d'un produit courant, réalisé durant une certaine période, puis retiré du catalogue et remplacé par une autre réalisation, ce que je considère comme tout à fait normal, car toute entreprise se doit de diversifier ses produits et d'en changer de temps à autre, si elle veut maintenir ses chances de succès auprès de sa fidèle clientèle ; mais cela doit demeurer naturel. Il est, en effet, nécessaire de laisser le temps faire son œuvre et permettre aux amateurs de s'imprégner du produit, jusqu'à ce qu'il atteigne une certaine dimension de légende ; c'est seulement de cette façon, dès son retrait définitif de la chaîne de fabrication, que cet ancien produit bénéficiera d'une surévaluation légitime dans le temps, car recherché par les amateurs et autres collectionneurs.

 

Produire une série limitée d'une année par exemple, n'a aucun sens, car le modèle n'aura pas eu le temps d'imprégner l'âme des ferrovipathes ; il n'aura passé que furtivement, sans laisser d'empreinte tangible.

 

Enfin et surtout, un modèle de collection doit offrir une dimension différente de celle d'une réalisation actuelle, figurant sur le catalogue de l'année, car il doit représenter une époque enfuie, il doit susciter de la nostalgie, voire de la mélancolie. Lorsque l'on se trouve en sa présence, une profonde émotion doit envahir le corps et l'âme son admirateur ou de son futur acquéreur !   Imaginons-nous face à une magnifique TT 800 ou une CCS 800 de la première génération : l'on ne peut dès lors que prononcer la phrase « mon Dieu, mon Dieu, elle est là, face à mes yeux, c'est tout simplement bouleversant » !