Ainsi, entre le milieu et la fin des années 1960 (30 novembre 1968 pour être précis), les ultimes locomotives à vapeur (stationnées, entre autres, à Genève, Lausanne, Berne, Bienne, Bâle, Olten, Zürich, Lucerne, Erstfeld, Bellinzone et Chiasso) quittent la vie quotidienne des CFF ; seules les machines historiques, conservées en état de marche, sont désormais activées lors d'événements jubilaires ferroviairo-nostalgiques.
Entre 1963 et 1965, ce sont les locomotives électriques prototypes qui disparaissent, soit : Be 3/5 12201, Be 4/6 12301 et 12302 (toutes nées en 1919), ainsi que Ae 4/8 11300 (née en 1922 avec le numéro d'origine 11000, puis renumérotée 11300 en 1929, renumérotation rendue nécessaire en raison de l'agrandissement de la série des Ae 4/7, dont la numérotation s'étendait de 10901 à 11027) ; par contre, seul le prototype Ce 6/8 I 14201, également de 1919, a été conservé mais, pour l'instant, ne peut pas encore être réactivé, car la partie électrique doit être préalablement entièrement rénovée; à ce sujet, l'huile du transformateur a été vidangée, alors que cette machine, en bon état mécanique, demeure attribuée au dépôt d'Erstfeld. Ainsi, lors des "Fitnessfahrten" (consulter le site Internet http://www.sbbhistoric.ch), qui ont lieu le premier samedi des mois d'avril à octobre, la Ce 6/8 I 14201 est parfois sortie du dépôt, remorquée par la "Crocodile" Ce 6/8 II 14253, formant ainsi un bouleversant ensemble, à la beauté inégalée et replongeant de ce fait les heureux et privilégiés spectateurs de cette mise en scène dans les débuts de l'électrification de la Ligne du Saint-Gothard, soit en 1920.
Entre 1965 et 1977, disparaît du service de ligne la grande majorité des locomotives électriques à transmission par bielles ; seules subsistent encore quelques Ce 6/8 II transformées pour le service à la butte dans les grandes gares de triage. En 1971, l'Ae 8/14 11852, la fameuse « Landilok », meurt dans un incendie partiel à Airolo et n'a jamais été réparée ; actuellement, elle n'a seulement été que repeinte dans son élégante robe vert-tilleul d'origine et, dès lors, définitivement mise à disposition du Musée Suisse des Transports de Lucerne, qui l'abrite désormais. En 1982, les Ce 6/8 II 14267, 14276 et 14282, ainsi que les Be 6/8 II 13254 et 13257 s'en vont à leur tour. Les 14267 et 14282 commencent une nouvelle vie statique en Allemagne, chacune des deux dans un musée différent, alors que la 14276 devient la propriété du Club San Gottardo à Mendrisio ; elle est sensée reprendre du service historique en temps opportun (lorsque les finances le permettront). La Be 6/8 II 13254 est définitivement exposée au Musée Suisse des Transports cité ci-dessus, alors que la 13257 a été offerte à l'Autriche, où elle est également exposée dans un musée. Parallèlement aux machines à bielles, les plus anciennes locomotives électriques à commande individuelle des essieux (construites au début des années 1920) prennent également le chemin du cimetière.
En 1983, c'est au tour des ultimes Ae 3/5, Ae 3/6 III et Ae 4/6 de quitter la scène. Hélas, des Ae 4/6, aucune n'a été sauvée ; les douze machines de la série 10801 à 10812 ont toutes été démolies. En 1990, c'est au tour des dernières Ae 3/6 I alors, qu'en 1996, les quelques Ae 4/7 restantes effectuent leurs ultimes parcours. En 1997, les Re 4/4 I nous abandonnent et, finalement, au début de 2014, les Ae 6/6 ne remorqueront plus les lourds trains de marchandises d'un bout à l'autre de notre pays, alors que les légendaires locomotives de man½uvre Ee 3/3, au chant électromécanique si bouleversant, ont été remplacées par des machines au style jouet pour petits enfants, semblable à celui de la marque « Playmobil ».
La liste complète des véhicules-moteurs CFF du temps jadis (locomotives et automotrices), conservés en état de marche ou simplement statiques, peut être consultée auprès du site Internet de SBB-Historic (voir ci-dessus en gras).
Il faut cependant relever, que c'est grâce à la détermination de Feu Messieurs Paul Winter (décédé en 1990) et Hans Schneeberger (décédé en 1995), que notre patrimoine tractionnaire et de matériel roulant remorqué a pu être constitué d'une façon aussi complète, bien, qu'hélas, manqueront toujours à l'appel un exemplaire des locomotives à vapeur des types C 4/5 2700 et E 4/4 8800-8900 (démolies avant l'entrée en fonction à titre d'Ingénieur en Chef de Paul Winter), ainsi qu'une locomotive électrique Ae 4/6 10800 (les deux dernières machines 10805 et 10811 ayant été démolies après la mise à la retraite de Paul Winter, qui a eu lieu en 1980). Par contre, si l'ordre de succession, dans la nomination des Ingénieurs en Chef de la Division de la Traction et des Ateliers (OMI), avait été inversé (d'abord Paul Winter, puis ensuite Franz Gerber – entre autres, le "fameux" responsable de la suppression d'un pantographe sur certaines locomotives, ce qui les a profondément enlaidies, tout particulièrement les Ce 6/8 II ayant terminé leur carrière au service de la man½uvre -), SBB-Historic, dans son exceptionnelle dimension actuelle, n'existerait tout simplement pas !
Parallèlement aux véhicules-moteurs, disparaissent les voitures et wagons marchandises d'ancien type, caractérisés par leur élégance à nulle autre pareille, qui restera gravée dans la mémoire de ceux qui les ont connus. Il en va de même pour certains magnifiques bâtiments à usage ferroviaire (très souvent remplacés par d'horribles constructions à l'architecture totalement déjantée, voire agressive à souhait), les emblématiques cloches de gare, les postes d'aiguillage « Bruchsal » et « Judel » (remplacés par une électronique totalement muette), ainsi qu'une grande partie des lanternes d'aiguille (remplacées par des signaux nains beaucoup moins représentatifs du monde ferroviaire) ; c'est également le cas pour les signaux mécaniques (remplacés par des signaux lumineux, toutefois encore aux formes harmonieuses entre les années 1940 et 1970, donc aisément compréhensibles à leur début, alors qu'aujourd'hui, de par leur « évolution », ils se rapprochent de plus en plus du « sapin de Noël » et deviennent, de ce fait, difficiles à interpréter pour le profane (le maintien de signaux simples, mais couplés à un horaire de service à l'intention du personnel, où figure chaque cas bien détaillé sur les caractéristiques des lignes à parcourir, constituent, à mon avis strictement personnel, le meilleur des choix en matière d'exploitation).
Pour nous, les heureux et privilégiés dinosaures du Rail (nés jusqu'au tout début des années 1960), qui avons connu cet ancien monde ferroviaire disparu et que rien ni personne ne pourra nous ravir, nous détenons maintenant la chance de pouvoir également disposer des innombrables sites ferroviaires sur Internet, notre Sauveur (en plus des archives imprimées, des CD et des DVD y relatifs, ainsi que du modélisme), ce qui nous permet de découvrir un nombre considérable de documents d'époque de toutes provenances, nous évitant ainsi de sombrer dans la déliquescence d'un deuil tout simplement impossible à surmonter ; à ce sujet, si, dans « Google », vous tapez, par exemple : « SBB (ou toute autre entreprise ferroviaire européenne de transport), puis damals » ou « treni a vapore FS », ou encore « trains SNCF ou SNCB ou CFL d'autrefois », "bundesbahnzeit", reichsbahnzeit", "damalige güterwagen", etc., etc., et que vous allez ensuite sur « images » ou « vidéos », cela vous permettra ainsi de découvrir de bouleversants trésors (en noir-blanc et en couleurs) à vous arracher de légitimes larmes et qui vous plongeront, à coup sûr, dans le nirvana le plus pur !
Par contre, au niveau des ferrovipathes actuels, leur vision du Rail (que ce soit dans la réalité ou dans la pratique du modélisme, tels que les systèmes d'exploitation, la technologie, le matériel roulant, le décor, etc.), s'avère totalement différente à celle des Anciens dont je fais partie. Toutefois, il est encore possible que plusieurs jeunes amis du Rail soient également sensibilisés par un type de chemin de fer d'autrefois, qu'il n'ont jamais connu quotidiennement, mis à part celui se présentant dans sa dimension muséale ou historique active, mais qui les attire irrésistiblement ; ce serait tout simplement merveilleux, car la relève serait ainsi assurée et le monde du Rail, que nous avons adoré et vénéré, ne sombrerait alors non seulement pas dans l'oubli, mais, au contraire, ressusciterait pour l'éternité !