Bien évidemment, en raison de leurs multiples ferrures et autres détails en relief, ce sont les locomotives aux traits fortement marqués qui restituent le mieux cette âme qui les habite ; de ce fait, alors que les machines à vapeur font partie d'un autre monde, où ce sont, en plus de leur esthétique, leurs fonctions « respiratoires » (coups d'échappement, chuintements divers, pompe à air activée), mais également leur odeur de charbon en combustion, qui les placent au même rang que les êtres vivants, je suis particulièrement sensible au message que me livrent les machines électriques, construites entre le début de l'électrification (des années 1910 – 1920), jusqu'aux années 1950, ceci grâce à leur chant électromécanique, qui peut s'avérer profondément émouvant (surtout en ce qui concerne les machines à transmission par bielles), ainsi qu'aux parfums, uniques en leur genre, d'huile chaude et d'ozone, fragances qu'elles offrent à tout ferrovipathe digne de ce nom. Toujours au niveau de ces locomotives électriques du temps jadis, un roucoulement langoureux de compresseur, un vrombissement lancinant des ventilateurs, un claquement sec et omniprésent de contacteurs, un bruit de pivotement d'inverseur de marche ou encore une intense voix d'opéra (émise par la rotation des moteurs de traction et des engrenages), ainsi que, finalement, un gémissement plaintif des bielles en mouvement, peuvent m'émouvoir au plus haut point, jusqu'à en rougir le contour de mes yeux car, ce que j'entends d'elles, constitue tout simplement leur langage, leur façon de me communiquer "leur ressenti", bref, "ce qu'elles ont dans le ventre" !
Agé de soixante-huit ans en cette année 2015 et bien que je souhaite ardemment vivre encore le plus longtemps possible en bonne santé, je suis cependant conscient, que je me trouve présentement plus proche de la tombe que du berceau ; c'est la raison pour laquelle, avant qu'il ne soit trop tard, je délivre ici cet ode de reconnaissance infinie à ce chemin de fer helvético-européen, qui a fait de moi un homme comblé au-delà du possible, voire au-delà de l'imaginable même. Maintenant que ma profession de foi est enfin accomplie, je me sens désormais soulagé des vicissitudes de ce monde jusqu'à mon dernier souffle !

